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Pétain et l’armée

« C’est mon camarade de promotion mais je l’ai très peu connu : je me souviens simplement que c’était un brave garçon, très aimé de tous ». Père Charles de Foucauld, en 1916,


I – La grande guerre

A propos de Pétain, l’historien anglais Liddle Hart observe : « Il s’était montré le premier et un des rares chefs à comprendre le mécanisme de la guerre moderne, tels que l’avaient formé les nations industrielles… La France aurait parfaitement pu se passer de n’importe quel autre chef militaire… Mais elle n’aurait pas survécu à la crise de 1917. Un Foch même aurait vraisemblablement précipité sa chute au lieu de l’arrêter ». De Gaulle ne dit pas autre chose : « On voit mal ce qu’eussent donné les plans et les élans de Foch sans l’instrument agencé par Pétain ».

Même appréciation de la part de Sir Edward Spears, qui emmènera le Général à Londres dans son avion. À ses yeux, il eut fait un bien meilleur général en chef que Foch qui, invariablement, plaçait mal ses réserves et regretta que le gouvernement britannique n’ait pas écouté son avis, quand il le lui recommanda fortement. Lorsque près de la moitié de l’armée française se mutina, Pétain sauva incontestablement la France en rétablissant la discipline avec tact et vigueur : « Toute faiblesse eût amené la dissolution de l’armée, toute brutalité, sa révolte». Un miracle, selon lui, supérieur à celui de la bataille de la Marne. Il ajoute : « En 1917, Pétain avait des responsabilités tout autres qu’en 1940, mais c’était le même homme, malgré les années ».

Quant à Joffre, en connaisseur, il juge : « Il a fait réaliser par notre armée les plus grands progrès tactiques de toute la guerre : en particulier, la liaison de l’aviation et de l’artillerie qui fut si féconde. Verdun a été, sous l’intelligente direction du général Pétain, la plus rude, mais aussi la meilleure école de perfectionnement pour l’armée française».

II – L’entre-deux guerres

Dans un mémoire daté du 5 janvier 1919, Philippe Pétain se prononça en faveur de la construction de 6 785 chars légers et de 435 chars lourds, dont 6 785 « constitués en arme autonome… c’est gros, mais l’avenir est au plus grand nombre de combattants sous la cuirasse. » Il continuera de privilégier la constitution d’unités mécanisées et le développement de l’aviation, de préférence aux fortifications, en particulier le 19 mars 1926 où, contre l’avis de Foch, il demandera la mise à l’étude de trois types de chars : légers, moyens et lourds. Il sera en pointe pour dénoncer la reconstitution de la force militaire allemande à visée agressive pour ses voisins. Ministre de la guerre, dans un contexte de réductions budgétaires, en vue d’une stratégie offensive, il fera adopter en 1934 le Plan Pétain prévoyant la construction de 60 chars lourds, 300 chars moyens et 900 chars légers, et interviendra en ce sens auprès de la Commission de Finances.

Le 6 avril 1935, en présence du président Lebrun, il déclara : « L’art de la guerre est le plus mouvant de tous les arts. Il serait fâcheux de se figer dans l’étude du passé sans interroger l’avenir… sous peine d’être surpris et de subir le système de guerre de l’adversaire. » Enfin, pour couronner le tout, le 4 octobre, à Saint-Quentin, il alerte : « La conception défensive qui a prévalu en France à la suite du traité de Versailles a fait son temps ». D’où il résulte que sa clairvoyance, pour le moins, n’a rien à envier à celle du général de Gaulle. Le général Conquet, dans Autour du Marchal Pétain, Lumières sur l’Histoire, dénoncera, exemples à l’appui, les tentatives de discrédit du Maréchal par des citations tronquées, sorties de leur contexte, des erreurs et des allégations.


Notes 

  1. Réputations, Payot, 1931.
  2. 2. La France et son armée, page 303.
  3. Edward Spears, « Pétain de Gaulle, deux hommes qui ont sauvé la France », p. 9. Afin d’éviter toute relation partiale de ces événements, Pétain lui proposa d’en rendre compte et lui remit ses notes, mais le temps manqua à Spears. Toutefois dans ce dernier livre, il donne assez d’informations pour permettre d’apprécier à leur juste mesure les mérites exceptionnels du Maréchal. Sur une armée de 4 millions d’hommes il n’y eut que 55 fusillés. Le nombre parut plus grand car Pétain, par humanité, en gracia beaucoup, qui furent envoyés au secret dans les colonies, faisant croire qu’ils avaient été bel et bien fusillés. P. 56.  « Après la fin du conflit il m’était impossible d’encenser, pour ses exploits en 1917, l’homme qui a été à la tête du gouvernement qui a fait tant de tort à mon pays. » p. 67
  4. Joffre, Mémoires, p. 215.
  5. Guy Pedroncini, Pétain, Le Soldat 1914-1940, p. 339.
  6. Philippe Pétain, Actes et écrits, p. 415. Le 26 mars 1939 il écrira de Madrid à Hélène de Castex : « Le rôle des chars est intéressant ; à mon avis il ne faut pas s’hypnotiser sur leur efficacité car ils sont aussi assez faciles à démolir. » Vente publique à Drouot du 25 mars 1997, lot 244. Toutefois, comme le rapporte Saint-Exupéry dans Pilote de guerre, l’aviation allemande, en surnombre, occupera le ciel au-dessus du théâtre des opérations, en interdisant l’accès à l’aviation française et l’empêchant ainsi de détruire les chars de l’adversaire.
  7. Guy Pedroncini, Pétain, Le Soldat 1914-1940, p. 302.